Mary Read, la femme pirate

Mary Read

Tiré du site www.lodace.com
et de
Super tintin N°39bis-263bis - Spécial pirates, pages 22 à 24

Une aventurière des mers : Mary Read

Dans le dédale des rues de Londres, une jeune femme avance en trébuchant. Amaigrie, les yeux rougis par l'insomnie, elle a le visage blême, les traits tirés. Elle a faim. Ce n'est qu'une malheureuse parmi tant d'autres, parmi toutes ces femmes qui. comme elle, affamées, sans logis, errent dans les rues de la ville en ce début du XVIII ème siècle. A côte d'elle, accroché à sa robe pour se maintenir à son pas, un enfant trottine en pleurnichant. La jeune femme hésite. revient sur ses pas. Elle a finalement trouvé la maison qu'elle cherche. Une dame âgée ouvre la porte, la regarde froidement.
"Ah ! C'est vous !" jette-t-elle. "Que voulez-vous ? De l'argent !"
"Pas pour moi." répond la jeune femme. Puis poussant l'enfant devant elle : "Pas pour moi. Mais pour lui. Pour votre petit-fils"
"Il vaudrait mieux qu'il vienne vivre chez moi ; vous pourriez le voir de temps en temps."
A ces mots, la jeune mère éclate en sanglots : "Je vous en prie, ne me l'enlevez pas ! Si je peux trouver à me loger quelque part, tout ce que je vous demanderai, c'est un peu d'argent chaque semaine, juste de quoi le nourrir et l'habiller."
La vieille dame réfléchit. Elle se sent trop âgée pour se charger de l'enfant.
"Très bien ! Je vous donnerai cinq shillings par semaine. Pour l'enfant."
La jeune femme éprouve soulagement intense. Son plan désespéré a réussi : cinq shillings, c'est assez pour les faire vivre toutes les deux, elle et sa fille.
Car en réalité l'enfant est une fille; son demi-frère, le véritable petit-fils de la vieille dame, est mort en bas âge. La jeune femme vivait alors loin de Londres et sa belle-mère n'avait appris ni la mort de son petit-fils ni la naissance de Mary. Elle qui avait été si fière d'avoir un descendant mâle ! La misère et la faim avaient contraint Mrs Read, la jeune mère, devenue veuve, à monter cette supercherie. Puis, son stratagème ayant réussi, il fallut bien, pour que la vieille dame donne de l'argent chaque semaine, continuer à faire passer Mary pour un garçon, sous peine de mourir de faim.

C'est vers 1700 que naquit en Angleterre Mary Read, cette femme qui allait, quelque 25 ans plus tard, défrayer la chronique des océans par ses actes de piraterie !

Son père était marin, sa mère une jeune servante. Quelques semaines après la naissance de l'enfant, le chef de famille, n'obtenant plus le moindre crédit dans les tavernes de Portsmouth, reprenait la mer pour ne plus jamais donner de ses nouvelles. Sans doute fit-il naufrage...

Mary Read
Mary Read

Comment Mary devient un garçon

Pendant quatre années, la maman va réussir péniblement à élever sa fillette. Mais bientôt elle devra se résoudre à faire appel à sa belle-mère qui habite Londres. Peut-elle l'assister ? Dans une lettre émouvante, elle lui parle de son enfant, par inadvertance sans en préciser le sexe. La vieille femme ne tarde pas à lui répondre qu'elle accepte de subvenir aux besoins de son « petit-fils » car il doit forcément ressembler à son défunt père. C'est ainsi qu'elle fournira désormais un écu par semaine pour la subsistance de l'enfant. Mère et fille arrivent dare-dare dans la capitale. Afin de ne pas perdre sa pension alimentaire, Mary est habillée en garçon. Tous les huit jours , elle se. présente chez la grand-mère, la mystifiant chaque fois. Mieux, la gamine s'est prise au jeu et adopte le plus naturellement du monde la démarche et les habitudes des garçons du quartier très populaire où elle vit. Malheureusement, la protectrice meurt. Mary n'a encore que 13 ans.

Comment Mary entre dans la cavalerie

La veuve Read réussit à placer sa fille à la seule place disponible qu'elle trouve dans la semaine : au service d'une dame de la noblesse anglaise en qualité de... valet de pied ! La mascarade continue !
D'un caractère trop turbulent pour cet emploi, Mary s'ennuie vite et n'y reste que quelques mois. A présent, elle est devenue forte et hardie. En elle commence déjà à se préciser une fâcheuse inclination au brigandage. Après avoir volé un peu d'argent, elle ne tarde pas à s'engager comme mousse sur un vaisseau de guerre qui lui permet de passer en Flandre, loin de sa mère, sa bonne conscience.
Mais en Angleterre comme sur le continent, il faut manger. Toujours en vêtements masculins, Mary Read parvient à entrer dans un régiment d'infanterie en qualité de cadet. Elle berne tout le monde. Personne n'a reconnu en elle la jeune fille qu'elle est maintenant. Comme en toutes occasions Mary se comporte avec une bravoure inimaginable, il est impossible de songer un instant qu'il puisse s'agir d'une femme.
La vie de son régiment lui paraît trop monotone. Aussi notre Anglaise décide-t-elle de passer dans la cavalerie où, une fois de plus, elle gagne aussitôt l'estime des officiers tant par sa bonne humeur que par son extraordinaire audace au combat. Elle se conduit en bon soldat, entretient bien ses armes et combat bravement quand l'occasion s'en présente.

Comment Mary dévoile sa véritable identité

Mais si elle porte l'uniforme, et bien qu'elle se conduise en homme, Mary n'en a pas moins gardé un coeur de femme.
Un beau matin, ce qui devait arriver arriva ! Mary tomba amoureuse d'un officier, un jeune Flamand particulièrement joli garçon. Chaque fois qu'il est envoyé en patrouille, elle s'arrange pour l'accompagner et veille à ce qu'il ne lui arrive rien de fâcheux. Impossible de taire plus longtemps son secret. Mary lui avoue tout. Pour la première fois de son existence, elle porte de vrais vêtements de femme. Même si elle se sent peu à l'aise, l'arme est foudroyante et le militaire est vaincu.
Le jeune homme est le seul, de tout le régiment, à connaître le secret de Mary.
Mais bientôt, ils annoncent leur intention de se marier. On imagine la stupéfaction de leurs compagnons ! La surprise passée, tout le régiment célèbre l'événement. Les deux « cavaliers » se marient sous les vivats du régiment amusé.
Avec le produit de la collecte organisée pour eux, ils achètent une petite auberge à Bréda, en Hollande. Tout leur réussit d'abord. Mais assez vite les affaires ne sont pas bonnes et avec la récente Paix de Rijswijk, les soldats s'en vont. Maintenant, il faut vivre avec les modestes économies qu'ils ont réussi à amasser durant les dernières campagnes.
Puis le mari tombe malade et meurt. Mary ne peut plus s'occuper seule de l'auberge.

Comment Mary sympathise avec des pirates

Il faut chercher fortune ailleurs. Heureusement, Mary Read n'est pas femme à se laisser abattre.
Elle choisit de s'embarquer - cette fois à titre de simple passagère - sur un navire hollandais qui se rend aux Indes occidentales. Non loin du but, le vaisseau est attaqué par des pirates anglais. Abordage, pillage, massacre. Seule Anglaise à bord, Mary obtient la vie sauve. Elle essaie de sympathiser avec ces hommes sans foi ni loi. Pour prouver ses qualités guerrières et se faire adopter par l'équipage, elle saisit un sabre et défie quelques brutes en combat singulier. Tous reçoivent une sévère leçon. Mary a gagné la partie. Désormais, elle sera des leurs et connaîtra l'existence mouvementée des pirates.
Trois ans plus tard, dans toutes les places des Indes occidentales, une proclamation annonçait le pardon du roi à tous les pirates qui accepteraient de se soumettre à quelques modestes obligations. Fatigués de chasser sur les mers, les compagnons de Mary acceptent, et, riches d'un butin de plusieurs saisons, s'en vont vivre tranquillement sur la terre ferme.

Comment Mary devient un vrai chef pirate

Mary ne possède pas encore grand-chose. Elle ne peut donc vivre de ses rentes. Heureusement, elle apprend qu'un certain capitaine Woods fournit des navires à ceux qui accepteront de croiser contre les Espagnols. Magnifique occasion de repartir à l'aventure ! Mary contacte quelques anciens compagnons qui ont le spleen des abordages, s'habille en homme... et obtient le commandement d'un bateau.
A peine ont-ils mis à la voile que Mary et ses amis décident de reprendre leur ancien métier de pirate, beaucoup plus lucratif que celui de « chasseur d'Espagnols ». Durant plusieurs années, Mary Read va écumer les océans, hissant le sinistre pavillon noir à tête de mort au sommet de son mât, dès-qu'une voile est signalée au large.
Mary traite d'égal à égal avec tous les grands noms de la piraterie de l'époque; parmi ses intimes, on trouve le capitaine Rackham, Charles Vane et celle qui est sa confidente, une autre femme pirate, l'Irlandaise Anne Bonny.

Comment Mary évite la potence

Au cours d'une attaque, près de la Jamaïque, Mary remarque parmi les prisonniers qui vont être jetés en pâture aux requins un jeune homme de belle allure. Le malheureux est un artisan qui se rendait aux Indes occidentales pour y faire fortune. Il rappelle à la femme pirate les traits de feu son mari. Ceci devait lui sauver la vie Mary Read, pirate sans pitié, tombe une nouvelle fois follement amoureuse. Le jeune homme devient même son second ! Un jour que son navire et un autre vaisseau ont jeté l'ancre près d'une île déserte, le protégé se querelle avec le commandant de l'autre troupe. Selon la coutume des pirates, rendez-vous est pris pour le lendemain à l'aube sur la plage afin de se battre en duel. La seule issue du combat sera la mort d'un des deux adversaires. Affolée, Mary apprend la nouvelle et, sans en parler à son ami, elle se rend à bord de l'autre navire où elle fait aussitôt une querelle d'Allemand au vieux pirate étonné. Cette insulte mérite une leçon. Mary est défiée en combat... deux heures avant le rendez-vous de son cher second. On choisit le pistolet. N'est-ce pas plus radical ? Mary Read tue le commandant.
Mais dès le lendemain, lors d'un combat en mer, l'équipage pirate ne peut résister aux canonnades de deux vaisseaux de guerre britanniques. Son amant est tué. Mary est prisonnière. La Cour de Justice veillera à la punir de ses nombreux crimes de piraterie.
Après deux semaines, la sentence est prononcée : la mort par pendaison ! Mary Read ne bronche pas. Elle répond au juge : « Les gens de coeur ne doivent pas craindre la mort ! » Mais Mary a des amis et surtout beaucoup d'admirateurs. Un d'entre eux a appris que la femme pirate est enceinte. Elle attend un enfant dont le père était son second. Si elle n'a pas voulu le dire à la Cour, lui le signalera. Et de fait, apprenant cette nouvelle, le Tribunal sursoit à l'exécution. Mais peu de temps après, Mary Read était attaquée par une fièvre violente. Elle s'éteignit dans son cachot.

Yves Duval

Mary Read
Mary Read

Autre version, à partire de "Comment Mary sympathise avec des pirates"

Elle se résout à endosser à nouveau son travesti pour mener la seule vie qu'elle connaisse, celle de soldat et de marin. Le bateau sur lequel elle s'est embarquée pour les Antilles est capturé par les pirates.
Elle garde son secret et se joint à eux. Puis le hasard la conduit dans l'équipage du Capitaine Rackham, pirate de sinistre réputation. Une autre femme fait partie de la bande, Anne Bonny. Elle perce le secret de Mary, mais seul Rackham est mis au courant de la vérité. Il saura rester discret.

Une fois encore, Mary Read tombe amoureuse. Cette fois, elle s'éprend d'un jeune marin, capturé par les pirates et qui s'est joint a eux.
Un jour, le jeune homme se prend de querelle avec un des pirates ; la violente dispute qui oppose les deux hommes ne peut se terminer que par un combat à mort. Mais Rackham a interdit les duels à bord du bateau. Ils s'affronteront donc sur une île proche. Mary craint le pire pour celui qu'elle aime et qui n'est pas habitué à se battre. Elle s'arrange pour provoquer son adversaire en duel : le combat à mort aura lieu sur la même île... mais deux heures plus tôt. La lutte est féroce. Déchaînée, Mary a bientôt le dessus. Elle tue son adversaire en combat loyal, sauvant ainsi d'une mort certaine celui qu'elle aime.

Le gouverneur de l'île de la Providence a résolu de mettre fin aux méfaits des pirates. Le vaisseau de Rackham est attaqué. Au cours de la lutte, Rackham et d'autres pirates refusent le combat. Pistolet au poing, Mary tente, en vain, de les contraindre à se battre.
Sur le chemin de la potence, Rackham est autorisé à voir Anne Bonny.
"Si tu avais combattu comme un homme", lui jette-t-elle avec mépris, "tu ne serais pas maintenant pendu comme un chien !"
Car au milieu de ces couards, trois pirates seulement se battirent courageusement; deux étaient des femmes, Anne Bonny et Mary Read !
A son procès, Mary Read fut accablée par les témoins : trop souvent on l'avait vue monter la première à l'abordage. Jusqu'au bout, elle trompa ses juges sur son véritable sexe. Et, elle trompa aussi le bourreau : elle mourut de fièvres peu après le procès.


Retour